État de la recherche scientifique

De tout temps, les chercheurs se sont plaints des politiques et problèmes structuraux lies à la façon dont est menée la science, il serait donc naïf de penser que l’état actuel de la science représente un niveau historiquement bas. Il existe néanmoins un certain nombre de problèmes particuliers dans le système de recherche scientifique actuel qui pourraient être abordés et qui causent soit d’importantes inexactitudes dans ce que l’on rapporte, soit un ralentissement de la vitesse du progrès. Les problèmes sont considérablement préoccupants en recherche médicale où leurs conséquences pratiques se mesurent en milliers ou millions de vies, et où les problèmes structuraux dans le système de recherche sont particulièrement graves. Voici quelques-uns des problèmes clés :

Comme vous pouvez le lire en détails dans mon blog, mettre trop de pression sur les individus ou les organisations à bien performer peut engendrer des effets pervers, en particulier lorsque (a) nous mesurons la performance à l’aide de mesures approximatives comme le nombre d’articles publiés, et (b) ces mesures peuvent être manipulées au détriment du but implicite. Le système actuel de financement de la science met une pression énorme sur les chercheurs à performer aux plus hauts niveaux, notamment en recherche médicale où plusieurs individus n’ont pas de poste permanent – i.e. où leur salaire est à la merci de l’envergure des subventions qu’ils obtiennent. La plupart des chercheurs aiment leur recherche et veulent bien la faire, mais lorsque vous menacez d’éliminer leur poste, même les chercheurs bien intentionnés vont commencer à « jouer le jeu », en publiant surtout dans l’optique d’avantager leur CV que d’améliorer l’état de la science. L’impact de chaque petite décision est faible, mais l’impact cumulatif est énorme, tant sur la fiabilité des articles publiés que sur une culture de réflexion intellectuelle. Une certaine incitation à la performance est essentielle, mais elle devrait être beaucoup moindre que dans le système actuel. Un système amélioré devrait (a) mettre la barre très haute pour débuter une carrier comme chercheur indépendant; (b) mettre la barre relativement bas et une procédure simplifiée pour obtenir des subventions annuelles de fonctionnement de base et des salaires (le Conseil en recherches en sciences naturelles et en génie du Canada – CRSNG – est un bon modèle, quoique les montants annuels soient un peu bas); (c) mettre la barre relativement haute pour l’obtention de subventions plus importantes; et (d) éliminer les incitations à rapporter de l’argent en subventions, telles que des bénéfices pour les institutions liés à la valeur des subventions.
La majorité des étudiants qui complètent un doctorat ne travailleront jamais comme professeur dans le domaine qu’ils ont choisi, et plusieurs ne trouveront pas d’emploi leur permettant d’utiliser leur formation spécialisée. Tant les universités que les professeurs sont fortement incités à former autant d’étudiants que possible (bon pour leurs résultats financiers et leur CV, respectivement). Cela ne rend pas service aux étudiants que nous formons, tant ils devront se battre dans un marché de l’emploi difficile. Des stages postdoctoraux de 5 ou 7 ans avant d’obtenir un poste de professeur associé sont en voie de devenir la norme dans certains domaines. Plusieurs jeunes poursuivent leurs études au doctorat parce qu’ils ne sont pas certains de ce qu’ils veulent faire ou parce qu’ils n’ont pas d’emploi – une affreuse raison d’utiliser les fonds publics provenant des taxes et impôts pour une formation spécialisée dans un domaine surpeuplé. La solution à ce problème est de rendre gratuit le doctorat pour les candidats acceptés (i.e. aucun frais de scolarité et une bourse raisonnable), mais de s’assurer que les critères d’admission sont très élevés suivant des analyses du marché de l’emploi pour chaque domaine. Les chercheurs devraient être empêchés de contourner ce système en rémunérant les étudiants au doctorat avec de l’argent des subventions.
Plusieurs chercheurs ont déjà écrit à ce sujet, mais, brièvement, le processus de révision par les pairs, bien qu’utile, est trop long. Les journaux publient des articles qui les aideront à devenir rentables ou prestigieux, même s’ils ne représentent pas toujours la meilleure science. Il est difficile de publier des résultats négatifs ou ambigus. De nombreuses solutions ont été proposées, mais le problème s’aggrave encore davantage qu’il ne s’améliore.
Si je rapporte des multi-millions de dollars en subventions et fais de la science médiocre, mon université m’aimera beaucoup et mon CV semblera excellent. Si je ne rapporte pratiquement pas de subventions, que je reste assis seul dans mon bureau et que je publie 20 articles de grande qualité par année qui changent les paradigmes dans plusieurs domaines, je ne recevrai que très peu de reconnaissance de la part de mon université. Toutes les incitations poussent les chercheurs vers le premier type de recherche plutôt que le second, même si ce dernier constitue un bien meilleur investissement des fonds publics. Non seulement notre frugalité n’est pas récompensée, mais nos dépenses, elles, sont récompensées activement! Ce qui implique que l’on pourrait soit financer beaucoup plus de chercheurs, soit financer plus économiquement la recherche actuelle, si nous encouragions les chercheurs à être soucieux du budget. La solution est simple: les organismes subventionnaires ne devraient pas seulement évaluer la qualité des propositions de recherche (comme c’est actuellement le cas), mais également le rapport coût-efficacité des propositions.
Une étude australienne a estimé que le coût pour soumettre une demande de subvention est d’environ 17 000$. Le taux de financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) étant d’environ 15-20%, il en résulte que des investissements d’environ 100 000$ sont nécessaires pour toute subvention d’une valeur de 200 000 à 500 000$. Bien que « profitable » en un certain sens, cela implique certainement que trop d’argent investit en recherche va dans la quête de plus d’argent. Donneriez-vous à une œuvre de charité qui dépenserait le tiers de vos dons en campagne de financement? Un problème relié est que, parce que les subventions sont trop spécifiques et peu visionnaires, elles représentent un important travail de compilation et sont sujettes aux critiques fondées sur des points méthodologiques très mineurs. Encore ici, la solution est simple, des subventions plus larges donnant de la latitude aux chercheurs, telles que le programme de subventions à la découverte du CRSNG et (potentiellement) le volet Fondation des IRSC.